mardi 28 avril 2015

Dunkelfeld

En Allemagne, le projet «Dunkelfeld» fait le pari de la prévention Cette initiative pionnière entend responsabiliser les pédophiles pour qu’ils «ne deviennent pas des criminels». Plus de 4 000 personnes ont cherché de l’aide depuis 2005.
«Aimez-vous les enfants plus que vous ne l’aimeriez ?» à ceux qui répondent à cette question par l’affirmative, le projet Dunkelfeld («Zone d’ombre») de prévention de la pédophilie propose une assistance thérapeutique anonyme et gratuite, dans l’espoir de prévenir les passages à l’acte – qu’il s’agisse de crime sexuel ou de consommation d’images pédopornographiques. L’initiative pionnière a été lancée en 2005 par une équipe de la Charité, le grand hôpital universitaire de Berlin.
 De sa longue expérience auprès des pédophiles, le professeur Klaus Beier, directeur de l’Institut de sexologie de la Charité et fondateur du projet, a conclu que leur penchant sexuel n’évoluait pas. «Au moins 1 % des hommes ont une attirance sexuelle pour le corps des enfants, estime-t-il. Ils n’y peuvent rien.»
Il s’agit de les responsabiliser. La thérapie s’étale sur un an, à raison de deux à trois heures par semaine. Les séances de travail, qui se déroulent en général par groupes de cinq à huit patients, sont articulées autour de thèmes précis : les fantasmes, l’autorégulation sexuelle, la distorsion cognitive (phénomène consistant à attribuer à l’autre des intentions qu’il n’a pas), l’empathie pour la victime. Le groupe est amené à développer des stratégies face à des situations à risque.
 La démarche est basée sur la confiance entre soignants et patients, rendue possible par le secret médical – levé en France en cas de maltraitance à l’enfant – et sur le volontariat. «Pour apprendre à vivre avec ce désordre, le pédophile doit en avoir conscience et l’identifier comme un problème», dit Jens Wagner, chargé de communication du projet.
 Les responsables de Dunkelfeld en appellent à un changement sociétal. La stigmatisation des pédophiles conduit à l’isolement, qui augmente les risques de passage à l’acte, souligne Jens Wagner, qui renvoie à une définition : «La pédophilie, c’est l’attrait exclusif ou prédominant pour les corps impubères. Le terme qualifie l’inclination sexuelle d’un individu, pas son comportement. Moins le penchant sera tabou, mieux on pourra prévenir le passage à l’acte.» Selon Klaus Beier, «pas plus de 40 % des hommes qui commettent un crime sexuel sur un enfant sont pédophiles».
 Les patients sont encouragés à informer leurs proches. Pour ceux qui travaillent au contact des plus petits, une réorientation professionnelle peut être une étape importante du processus de responsabilisation. Depuis 2005, plus de 4 000 personnes ont cherché de l’aide dans l’un des dix points d’accueil que compte aujourd’hui le réseau Dunkelfeld en Allemagne et plusieurs centaines y ont entamé une thérapie.
 «Avant, je ne pouvais pas croire qu’il était possible de mener une vie normale et heureuse avec cette préférence sexuelle, confie Manuel, un jeune informaticien. Depuis ma thérapie, j’ai compris que c’était possible. Je ne me déteste plus pour ce penchant, parce que je sais que je n’y peux rien. Mais il est associé à une grande responsabilité : ne faire de mal à personne. Ce devoir m’accompagne dans la vie.» L’homme reste en contact avec l’équipe de soignants, dans le cadre du suivi sur le long terme que propose Dunkelfeld.
http://www.la-croix.com/Ethique/Sciences-Ethique/Sciences/En-Allemagne-le-projet-Dunkelfeld-fait-le-pari-de-la-prevention-2015-04-28-1307086

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