L’affaire Dubois met en lumière le rôle des experts
Par Laureline Duvillard.
Peu nombreux, les psychiatres qui acceptent des mandats judiciaires s’inquiètent de leur influence croissante.
«On demande surtout aux psychiatres de faire des prédictions un peu à la manière de météorologues», déclare Philippe Delacrausaz, responsable du Centre d'expertises psychiatriques(CHUV). (.....)
Regarder un détenu droit dans les yeux, écouter sans juger le récit d’actes parfois atroces, et être ensuite écartelé au tribunal entre l’accusation et la défense sous les feux des médias… Dans le canton de Vaud, une quinzaine de psychiatres ont choisi ce sacerdoce partagé entre les prisons, les institutions et les salles d’audience. Un petit nombre pour répondre à une demande d’expertises pénales qui ne cesse de croître. Le procureur général, Eric Cottier, devra donc sans doute aller chercher des experts hors de son canton pour poursuivre l’enquête pénale contre Claude Dubois désormais sous sa direction.
Juges à la place du juge
Président du Tribunal d’arrondissement de Lausanne, Pierre Bruttin l’avoue: «On constate une inflation du nombre d’expertises en tous genres. Parfois, on demande quasi à l’expert de rendre le jugement à notre place.» (...) Comment prédire en trois ou quatre rencontres d’une heure trente le comportement futur d’un être humain?
Si les psychiatres disposent d’échelles pour calculer les probabilités du risque de récidive, impossible d’un point de vue scientifique de mesurer avec précision la dangerosité d’une personne. «On doit toujours douter et accepter l’incertitude du destin en fonction de possibles évolutions de la personne. Par exemple, que faire avec un détenu dont le risque de récidive est statistiquement d’environ 20%? C’est un vrai débat de société et pas une question psychiatrique», remarque Jacques Gasser, chef du Département de psychiatrie du CHUV.
Le professeur a procédé à des centaines d’expertises, notamment à celle de Claude Dubois après l’assassinat de sa première victime. Un rapport qui s’est ensuite inscrit en contradiction avec l’expertise supervisée par Gérard Niveau, responsable des expertises psychiatriques au Centre universitaire romand de médecine légale, qui relève des Hôpitaux universitaires de Genève. Cette évaluation, concluant au faible risque de récidive de l’assassin de Marie, a tristement illustré le rôle primordial des spécialistes dans les procédures judiciaires.
Un rôle que les psychiatres ne tiennent pas à assumer. Président de la Société suisse de psychiatrie et psychothérapie, Pierre Vallon le souligne: «Dans le cadre de l’affaire Dubois, il est très bizarre que les conclusions de l’expertise aient été si différentes de celles des deux autres rapports (ndlr: Philippe Delacrausaz a procédé à la seconde évaluation de Claude Dubois en 2008). Mais la juge d’application des peines aurait également dû s’interroger sur ces divergences. L’expertise doit rester un outil. Les psychiatres en ont marre de faire la justice.»
Tous les cantons romands manquent d’experts formés et expérimentés, ce qui pose problème pour remplir les conditions d’une bonne évaluation. «Une expertise de qualité doit se faire à deux, pour pouvoir partager, discuter des divergences, argumenter son évaluation. Dans le canton de Vaud, c’est déjà la norme, mais cela n’est pas encore systématiquement le cas dans les autres cantons romands», note Jacques Gasser.
Problème de distance
Travailler à deux permet aussi aux experts de mieux résister aux pressions et de se prémunir d’un travers toujours plus présent: le risque de surévaluer la dangerosité des personnes. «Face à l’horreur, la première réaction est: plus jamais ça. Sauf qu’un pourcentage zéro de récidive est impossible, à moins d’enfermer tout le monde», relève Philippe Delacrausaz. Le psychiatre poursuit, «lors d’une expertise, on éprouve du dégoût, de l’horreur, parfois de la fascination ou même de la sympathie. Le plus difficile, c’est de rester à la fois ouvert et lucide vis-à-vis de cet être humain qui a commis des actes abominables.»
L’exercice est délicat pour l’expert qui doit s’abstenir de juger, et pour le juge chargé de trancher. «On doit admettre qu’on ne pourra jamais poser un diagnostic avec un degré de sûreté extrême. C’est le problème de l’affaire Dubois et nous y sommes régulièrement confrontés», conclut Pierre Bruttin.
(24 heures)
http://www.24heures.ch/vaud-regions/affaire-dubois-met-lumierele-role-experts/story/27152656
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à propos "d’échelles pour calculer les probabilités du risque de récidive," on pourrait donc y ajouter la très fiable échelle des cycles psychiques humains... fiable car apparemment (cela reste à vérifier de façon scientifique, mais mes trente années d'observation ne me laissent plus aucun doute) apparemment d'un fonctionnement très "matériel" puisque d'une régularité quasiment horlogère... et liée probablement à une oscillation hormonale... qui devrait être facile à déceler...
ces rythmes qui déterminent notre forme et nos humeurs et parfois mènent à des actes incontrôlés...
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