Suicide des enfants : Les parents veulent comprendre
Ils étaient écoliers, âgés de 11 et 12 ans. Même palier de l’éducation, dans trois communes différentes. Mohamed est retrouvé pendu à un olivier le soir du 18 mars dans la commune d’Aghribs. Le lendemain, Ibahlal (Irdjen), Sadek est découvert à 17h sans vie au bout de sa ceinture de karaté, attachée à une armoire, dans sa chambre. Le même jour, pratiquement à la même heure, Ikhriben, Karim fausse compagnie à ses camarades et se pend dans une huilerie abandonnée, à l’aide d’une courroie.
Quinze jours plus tard, les parents ne comprennent toujours pas. Des psychiatres tentent d’apporter des réponses.
«Je n’ai trouvé aucune explication à la mort de mon fils. Je n’arrête pas d’y penser, mais je ne trouve aucune réponse à mes interrogations. Il n’y avait aucun avertissement ni symptôme qui pouvaient nous indiquer ce qu’on devait faire. Nous nous retrouvons complètement impuissants devant ce qui est arrivé. Sadek, tout comme son frère et sa sœur, n’ont jamais manqué de rien. Il ne reviendra pas. Aujourd’hui, on essaye de reprendre notre vie, le temps fera le reste.» (...)
La veille, le 18 mars, c’est un autre enfant du village Adrar Aït Qodia, dans la commune d’Aghribs (40 km au nord-est de Tizi Ouzou), Douzène Mohamed, 11ans, qui a été retrouvé, vers 21h, pendu à un olivier non loin de chez lui. Stupeur et consternation chez la population locale. Ni les membres des familles touchées par le drame ni les autres villageois n’ont compris le geste fatidique auquel ont eu recours des écoliers de 11 et 12 ans`. (.....)
Pour nombre de villageois que nous avons rencontrés, ce phénomène du suicide des enfants reste une grande énigme. S’il y avait une explication à leur geste, ces enfants l’ont emportée avec eux.
http://www.elwatan.com/actualite/suicide-des-enfants-les-parents-veulent-comprendre-03-04-2012-165322_109.php
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Mostafa Bouzidi. Psychiatre (CHU de Tizi Ouzou)
«Le suicide chez l’enfant : une impulsion de quelques heures»
- Comment peut-on expliquer le suicide chez les enfants ?
D’abord, il faut savoir qu’avant 8 ans, l’enfant n’a pas conscience de la mort. Il la définit comme une absence temporaire. Entre 8 et 12 ans, il a conscience de la mort, mais pas comme l’adulte qui réfléchit et qui prépare son acte. Il met fin à ses jours par impulsion. Le suicide de l’enfant âgé entre 8 et 12 ans est dû à une crise suicidaire qui ne dure pas longtemps. Elle intervient en quelques jours, ou bien, dans certains cas, en quelques heures seulement contrairement à l’adulte qui prend parfois des années pour passer à l’acte.
- D’où vient justement cette impulsion ?
La cause de cette impulsion n’est pas due à un seul facteur, elle est plurifactorielle. Il y a au moins six groupes qui constituent ces causes comme les parents, la famille, l’entourage, l’école, la société et les médias. C’est comme, d’ailleurs, cette histoire du vase plein auquel on ajoute une goutte pour déborder. Par exemple, le manque affectif, la surprotection, la solitude sont, entre autres, des facteurs de vulnérabilité, car le développement de l’enfant a besoin d’un adulte. La surcharge des programmes et le manque de moyens de distraction dans les écoles et le stress sont également des éléments qui contribuent à la provocation d’une crise suicidaire chez l’enfant. Actuellement, dans la vie moderne, il y a de plus en plus d’enfants dont la mère et le père travaillent. A qui le confier dans cette situation ? Dans notre culture, l’enfant est confié au moins à un membre de la famille, mais plusieurs couples vivent loin de leurs proches. C’est une nouvelle évolution socioculturelle. Donc, l’enfant est confié à une personne étrangère alors qu’il est très sensible. A l’école aussi, les cours ne sont pas adaptés et provoquent beaucoup de stress. Il faut aussi noter que l’enfant est souvent laissé seul devant les médias où il voit des films de violence. L’accumulation de ces facteurs peut le conduire vers une crise suicidaire. Il faut préciser aussi qu’il y a plus de garçons que de filles qui se donnent la mort.
- Vous dites qu’il y a plus de garçons que de filles qui se suicident. Pourquoi ?
Il y a plus de garçons qui passent à l’acte que les filles, mais il y a aussi beaucoup de filles qui font des tentatives de suicide avec de l’eau de Javel, par exemple. Il faut savoir aussi que la tentative de suicide est un appel au secours, d’où il est nécessaire de mettre en place tous les moyens pour prendre en charge l’enfant qui tente de mettre fin à sa vie.
- Avez-vous des statistiques sur ce phénomène en Algérie ?
La première chose à savoir, c’est qu’en Algérie, il n’y a pas de chiffres. Dans les pays où il y a des statistiques, comme par exemple la France, il y a environ une centaine de cas enregistrés chaque année. Mais, les spécialistes de l’enfant disent que ce chiffre est sous-estimé. Ils ont remarqué que beaucoup d’accidents d’enfants sont des suicides. En Algérie, il n’y a pas de raison qu’il n’y ait pas beaucoup. Malheureusement, il n’y a pas d’étude faite chez nous, et la pédopsychiatrie est très pauvre, elle n’existe même pas en tant que spécialité. Le suicide de l’enfant a toujours existé, mais, avant, il n’apparaissait pas. Ces derniers jours, on parle beaucoup du sujet parce qu’il y a eu trois cas par pendaison, en 24 heures, et dans des localités proches. Maintenant, c’est la forme qui change, alors qu’avant il y avait ceux qui se jetaient dans un ravin, sous un pont ou bien au passage d’un véhicule, mais ils ont été classés comme des victimes d’accidents.
- Comment peut-on agir pour prévenir le suicide des enfants ?
Comme je l’ai dit déjà, les causes sont multifactorielles et les responsabilités sont au pluriel, c’est-à-dire partagées. Les solutions doivent aussi être plurielles. Donc, il faut aider le couple parental et s’intéresser beaucoup plus aux congés maternels et paternels. Si les parents travaillent souvent, ils vont se séparer de l’enfant précocement. Il faut lutter aussi contre la rupture affective répétée. Eviter aussi la précocité de la scolarité qui est un facteur d’aggravation. Il faut créer des structures, comme des associations. Il faut revoir les programmes scolaires et les adapter aux rythmes biologique et psychologique de l’enfant. Il faut retarder la notation à l’école et éviter de mettre rapidement l’enfant dans la compétition. En conclusion, il faut savoir que la crise suicidaire n’est pas une fatalité.
Hafid Azzouzi
http://www.elwatan.com/actualite/le-suicide-chez-l-enfant-une-impulsion-de-quelques-heures-03-04-2012-165325_109.php
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très intéressante, cette notion "d'impulsion"... et "impulsion de quelques heures"...
j'ai tendance à la mettre sur le compte du jour critique émotionnel ou éventuellement d'un jour critique physique. c'est là qu'il serait intéressant de pouvoir vérifier les situations cycliques individuelles des malheureux enfants suicidés...
ces rythmes qui déterminent notre forme et nos humeurs et parfois mènent à des actes incontrôlés...
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